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— S’il faut que je vous aide à fuir, je vous y aiderai.

— J’aurai sans aucun doute besoin de votre secours.

— À minuit, ce soir, je viendrai vous ouvrir la porte.

Madeleine sortit et alla s’enfermer dans sa chambre où elle tomba à genoux devant son lit, en priant Dieu de toute la force de son âme. Lui demanda-t-elle un pardon dont elle croyait avoir besoin, ou le remercia-t-elle de lui avoir accordé le seul bonheur qu’elle eût désiré ? Sa prière fut double.

Firmin, lui, était à la fois au comble de l’ivresse et du désespoir. Ce qu’il voulait savoir, il l’avait appris ; mais cette certitude qui comblait ses vœux, avait troublé sa raison. Partirait-il comme il l’avait annoncé à Madeleine ? Oui, il le devait, sous peine de se mentir à lui-même et de rendre impossible, désormais, une séparation que l’honneur lui commandait, que la pureté même de son amour exigeait. Rester, c’était prétendre à continuer un rôle difficile à soutenir, c’était s’exposer, à se trahir.


XX


Quand Jérémie rentra, il trouva Firmin accoudé sur la table et plongé dans une méditation profonde. Aussitôt après l’arrivée de l’économe, le petit négrillon qui était à son service vint dresser le déjeuner ; Madeleine apparut quelques instants après pâle et morne. Elle embrassa son père et s’assit à la table en évitant que ses yeux rencontrassent ceux de Firmin. La tristesse des deux jeunes gens influa sur l’économe qui ne prononça pas une parole de tout le repas. Contre son habitude, il se leva prompte-