Page:Eyma, Les peaux noires, Lévy, 1857.djvu/84

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

a eu une heure de grande félicité, en sachant que la pauvre fille du mulâtre n’avait point été méprisée par un créole, par un blanc, qui l’a assez aimée surtout pour la respecter. Si j’avais appris le contraire, je serais peut-être morte de douleur ! Maintenant, c’est fini. J’ai été heureuse de plus de bonheur qu’il ne m’était permis d’en espérer ici-bas. C’est tout ce que je pouvais demander au ciel. Désormais, je suis tout entière à l’homme à qui je dois appartenir pour la vie. Adieu, monsieur Claudien.

— Un mot encore, murmura Firmin en voulant retenir Madeleine…

— Ce serait inutile, répondit la jeune fille, laissez-moi sortir ; mon père peut revenir, il nous trouverait en faute l’un et l’autre. Ce serait, de votre part, mal le récompenser de son hospitalité, et de la mienne faillir à mon devoir.

— Qu’importe ! s’écria M. de Lansac avec une énergie fiévreuse, ce mariage, Mademoiselle, ne peut pas s’accomplir

— Et pourquoi ? demanda Madeleine.

— Parce qu’il tuerait M. Firmin. Quand je lui aurai répété tout ce que vous venez de me dire, il répondra que si vous l’aviez aimé, vous n’auriez point accepté ce sacrifice.

— Vous lui affirmerez le contraire de ma part… Désormais, je vous le répète, tout est oublié. Dans dix jours, je serai la femme du métis Huron. Ce que vous ne pouvez pas comprendre, vous, M. Claudien, le comte le comprendra en consultant son cœur et sa raison. Adieu, donc ; et laissez-moi passer.

— Eh bien ! je partirai cette nuit.

— Soit !

— Sans que Jérémie puisse soupçonner mon départ, c’est essentiel…