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XVIII


En sortant, Jérémie ferma la porte avec la plus grande précaution. Son premier soin fut de s’assurer où était Madeleine. Elle était rentrée dans sa chambre, où il aperçut une lumière. Il s’occupa lui-même de préparer le souper, composé de morue salée, d’ignames, de bananes et de pois d’angole.

Quant à Firmin, après le départ de Jérémie, il s’était livré à un immense épanchement de joie. Son cœur battait violemment de se retrouver si près de Madeleine. Il l’avait revue, il avait entendu sa douce voix vibrer à son oreille, son regard avait rencontré le sien. Seul dans cette chambre que Madeleine venait de quitter, il en respira l’air à pleins poumons, puis il marqua la chaise sur laquelle elle était assise, et se dit :

— C’est sur cette chaise que ma tête reposera cette nuit. Il prit le livre qu’elle lisait au moment où il l’avait aperçue à travers la lame de la jalousie, et en baisa la page encore ouverte.

— Ses yeux se sont promenés sur ces lignes, s’écria-t -il, ses larmes les ont peut-être mouillées ; qu’elles me soient sacrées !

Mais tout à coup les recommandations que lui avait faites le mulâtre, les précautions qu’il prendrait peut-être pour le tenir éloigné de Madeleine, lui revinrent à l’esprit. Il entrevit dès lors combien il allait lui être difficile d’approcher la jeune fille.

Quel était le but de Firmin, en fin de compte ? Il ne le savait pas lui-même. Qu’espérait-il en prenant ce dé-