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presque froide, en sorte que les habitants de la case en avaient fermé la porte, et les lames des jalousies avaient été à moitié relevées pour atténuer la vivacité de l’air. À travers quelques lames mal jointes, Firmin glissa un regard qui embrassa tout l’intérieur de la pièce où il avait vu de la lumière. C’était la salle où il avait soupé la première fois. Jérémie était couché dans un hamac, immobile, preuve que le vieux mulâtre sommeillait.

Madeleine, la tête enveloppée dans un madras coquettement noué, tournait le dos à la croisée. Elle était accoudée sur la table, le front penché sur un livre. Firmin demeura un peu de temps dans sa position d’observation, il ne vit point que la jeune fille tournât les feuillets du livre.

Elle pensait donc au lieu de lire !

Firmin, qui sentait son cœur battre violemment, hésita un peu avant d’oser frapper à la porte. Enfin, il s’y décida ; mais il avait frappé si doucement, que, dans l’intérieur, on avait à peine entendu.

Cependant Madeleine avait dressé vivement sa tête pâle et avait montré à Firmin son beau profil.

— Père, dit-elle d’une voix douce, je crois qu’on a cogné à la porte.

— Eh bien ! vas y voir, répondit le vieux mulâtre en grommelant un peu d’avoir été éveillé.

Madeleine se leva pendant que Jérémie s’accoudait dans son hamac pour voir qui allait entrer. La jeune fille s’approcha très-près de la porte en y collant son oreille, et, avant de faire tourner la barre de bois qui la fermait intérieurement et sur laquelle elle avait la main posée, elle demanda :

— Qui est là ?

Le son de cette voix frappa Firmin en plein cœur. Il chancela, et sa langue resta collée à son palais.