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avait prêté Jérémie, et en acheta un qu’il lança à fond de train pour rallier le rendez-vous de Madame de Mortagne.

En remontant dans la chambre de Madeleine après le départ de Firmin, Jérémie trouva sa fille en pleurs. Il la pressa contre son cœur en murmurant tout bas :

— Ah ! j’ai bien fait d’éloigner ce jeune homme !


XIII


Firmin, lancé à fond de train, comme nous l’avons dit, coupa à travers les chemins les plus courts pour arriver sur la route de la Calebasse.

À voir l’ardeur avec laquelle il franchissait l’espace, l’impatience qu’il montrait à la moindre hésitation de sa monture, on l’aurait à coup sûr soupçonné de vouloir rattraper les heures perdues d’un bonheur vivement convoité. Il y avait loin de cet enthousiasme subit à la froide indifférence avec laquelle il avait répondu, d’abord, à l’appel qui lui avait été adressé.

À vrai dire, rien au fond n’était changé dans les sentiments de Firmin. Il avait pris la route de la Calebasse, après une mûre délibération et un long combat intérieur. Toutefois, en se trouvant au bas du morne rocailleux qu’il s’agissait de gravir, il s’arrêta un instant.

— Évidemment, se dit-il, j’arriverai trop tard au rendez-vous. Je ne trouverai pas le remède que je vais chercher au mal dont j’ai pris le germe là-bas. Qu’importe ! puisque me voilà, essayons !

Il fit sentir l’éperon à son cheval, et se hissa le long de ce morne dont le sol, comme le lit desséché de quelque