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York en a envoyé trente-cinq au mois. Une fois la cargaison débarquée, on détruit ordinairement le navire, afin de faire disparaître la preuve du voyage.

— Mais au moment du départ comment vous y prenez-vous pour ne pas éveiller de soupçons ?

— Nous faisons nos préparatifs avec le moins de bruit possible et ne demandons nos papiers de départ qu’au dernier moment. C’est à la sortie du port que nous courons les plus grands dangers, non pas que nous ayons peur d’une visite, cela n’aboutirait à rien, mais le nombre des marins de l’équipage étant toujours de beaucoup supérieur à celui exigé pour la manœuvre du navire, nous appréhendons sans cesse que l’attention des autorités ne se porte de ce côté-là.

— Mais à la côte d’Afrique, comment vous débarrassez-vous des croisières anglaises ?

— Quand nous sommes à vide, nous nous en inquiétons fort peu. MM. les officiers anglais viennent à bord, et comme nous voguons sous pavillon américain, ils n’ont pas le droit de procéder à une visite ; nous montrons nos papiers et tout est dit. Ces messieurs qui ne laissent pas de soupçonner la vérité, grognent, murmurent et puis s’en vont.

— Mais si vous êtes chargés, comment faites-vous ?

— Cela est un peu plus difficile, mais nous avons encore plus d’un moyen de sortir d’affaire. Dès l’arrivée du croiseur, nous faisons descendre dans la cale tous nos nègres. Nous fermons les écoutilles, et quand on vient à bord, nous montrons nos papiers ; si les nègres se tiennent tranquilles, tout va bien ; mais comme les officiers soupçonnent la vérité, ils restent parfois à bord une heure ou deux, alors les noirs qui étouffent font du bruit et on est pris.

— Et vous êtes punis ?

— Pas toujours ; nous réussissons encore à nous sauver.