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Je poserai seulement cette question : était-il plus humain de laisser des nègres, prisonniers par le sort de la guerre ou par le rapt, croupir dans un esclavage barbare, que de les conduire par l’expatriation au spectacle d’une civilisation à laquelle on a eu le tort de ne pas assez les initier.

Esclavage pour esclavage, le second était plus humain, plus rationnel que le premier.

La traite a eu le tort de n’être pas une œuvre d’apostolat, au lieu d’être un commerce ; elle eût été alors, même avec des rigueurs égales, considérée comme un des bienfaits de l’humanité.

J’en appelle à ces paroles d’un missionnaire des premières époques de l’établissement des Européens dans les colonies, et de l’esclavage :

« De quoy nous pouvons dire, » écrivait ce missionnaire en parlant des nègres, « que leur servitude est le principe de leur bonheur et que leur disgrâce est cause de leur salut, puisque la foy qu’ils embrassent dans les isles, les met en estat de connaître Dieu, de l’aymer et de le servir. »

Telle qu’elle a été pratiquée, la traite, je me hâte de le dire, est une monstruosité devant laquelle l’esprit du siècle se soulève, même dans les pays à esclaves.

Comment se faisait ce commerce ? On peut raconter de tristes et de terribles choses sur ce sujet ; tous ces drames se résument dans le récit suivant que je trouve dans un journal américain, et que je traduis à peu près littéralement :