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Un incendie se déclare chez elle, un soir. Au milieu du désordre de ce grave accident, et alors qu’on désespère, malgré tous les efforts, de se rendre maître du feu, le bruit se répand qu’un bâtiment où les flammes commencent à atteindre renferme des esclaves. Il s’agit de leur porter secours. M. Canonge, juge de la cour criminelle, et que son zèle de citoyen a appelé sur le lieu du sinistre, réclame de madame Lalaurie les clés de ce bâtiment ; celle-ci se trouble, hésite, balbutie de mauvaises raisons, assure qu’on se trompe, qu’aucun esclave n’est enfermé dans ce bâtiment. Le juge insiste, madame Lalaurie refuse obstinément de remettre les clés. Un soupçon trop bien justifié traverse l’esprit de M. Canonge qui, aidé de quelques personnes, enfonce les portes du bâtiment. Un horrible spectacle s’offre à sa vue. Sept esclaves sont là, dans une pièce obscure et privée d’air, couchés sur la terre, le carcan au cou, des chaînes aux pieds et aux mains, — sept cadavres encore vivants, lacérés de coups, les épaules sanglantes, les membres tuméfiés, le corps dévoré par la vermine. L’un de ces malheureux déclara qu’il subissait ces tortures depuis cinq mois, et qu’il avait vu mourir à ses côtés plus d’un de ses camarades.

Dès que madame Lalaurie vit que ses crimes étaient découverts, elle songea à prendre la fuite. Chose étrange, inexplicable ! Ce furent ses autres esclaves eux-mêmes qui aidèrent son évasion, pendant que la populace parcourait avec terreur cette ténébreuse maison, cherchant l’auteur de ces crimes pour les lui faire expier.

Madame Lalaurie parvint à gagner New-York où son mari et son jeune fils la rejoignirent. Elle s’embarqua pour la France sous un faux nom ; mais pendant la traversée, un des passagers ayant soupçonné la vérité, questionna l’enfant qui dévoila naïvement le nom de sa mère. De ce moment aucun des passagers ni des hommes de l’é-