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l’esclavage. Les abolitionistes ont beaucoup déclamé contre le Code noir, sans trop savoir ce qu’ils disaient. Ils ont bataillé contre un mot, et rien de plus.

Le Code noir n’a accordé aucun pouvoir extraordinaire au maître sur l’esclave, c’est la société qu’il a armée de toutes les rigueurs pénales contre le nègre coupable de crimes que la conscience humaine, la philosophie et la religion excusent et légitiment à distance des époques, des mœurs et loin du milieu social où règne la loi. Le Code noir, au contraire, impose des devoirs au maître, définit et limite ses pouvoirs, ses droits. Ce n’est pas contre le Code noir que l’esclave se révolte, c’est contre l’esclavage. L’esclavage a rabaissé une race humaine, l’a dégradée, asservie ; la loi a pris le nègre en cet état, et l’a couvert de son bouclier protecteur, en prévenant les abus, mais en le tenant toujours dans une condition inférieure au blanc ; l’esclavage a fait le nègre la propriété du blanc, propriété intelligente, active, susceptible conséquemment de toutes les passions ; passions d’homme libre d’abord, puis passions d’esclave. Sans une loi également protectrice, le maître pouvait commettre autant de crimes sur la personne de l’esclave que l’esclave sur la personne du maître.

Tous les pays à esclaves ont eu leur Code noir, soit qu’il ait été une loi unique, soit qu’il ait été la réunion de toutes les ordonnances, ou règlements spéciaux concernant l’esclavage. Partout ce Code noir a été le même, ou du moins le même esprit l’a inspiré ; à peu de chose près, aux États-Unis, dans l’Amérique méridionale, aux Antilles, ce sont toujours les mêmes obligations réciproques, la même omnipotence d’un côté, la même soumission, les mêmes humiliations, la même dégradation de l’autre ; partout le nègre est l’esclave et le blanc est le maître ; partout l’esclavage porte à ses rameaux des fruits amers.