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La jeune mulâtresse fut condamnée à être pendue et préalablement fouettée à tous les carrefours de la ville.

La veille de son exécution, Tobine demanda à voir la marquise Daguilla et à lui parler. Ce fut là pour le marquis un sujet d’émotion et de terreur. Antonia se rendit pendant la huit à la prison. En la voyant entrer, Tobine se jeta à ses genoux, qu’elle baisa avec respect.

— Ah ! maîtresse, s’écria-t-elle, je vous disais bien que votre amour le tuerait ! Le mien, au contraire, me donne la force de mourir avec lui et de vous sauver. Ne me plaignez pas, maîtresse, je serais morte tout de même : du chagrin de sa mort à lui, et de votre honte à vous. Ainsi, je ne change rien à ma destinée ; seulement ce qui me fend le cœur à l’avance, c’est d’être fouettée dans la rue par le bourreau, moi qui n’ai jamais reçu une tape de mes maîtres. Demandez donc à Monsieur qu’il obtienne ma grâce des coups de fouet.

C’est en effet là l’humiliation la plus grande pour un esclave soumis pour la première fois à un châtiment corporel, que de le recevoir de la main du bourreau.

Tobine raconta ensuite tous les détails de l’horrible nuit qu’elle avait passée à la Magnificencia ; puis, au moment où Antonia allait se retirer :

— Maîtresse, dit la jeune mulâtresse que la marquise tenait alors pressée dans ses bras, faites dire des messes pour le repos de mon âme ; moi je prierai pour vous là-haut.

En rentrant à son hôtel, Antonia tomba évanouie aux pieds de son mari.

Le lendemain, Tobine, graciée de la flagellation, fut pendue dans l’enceinte de la prison.