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cercle. José était donc aux aguets, tantôt le corps penché par une des croisées de la maison, étudiant la rue par ses deux bouts, tantôt se mettant de faction sur le seuil de la porte, l’oreille et les yeux tournés dans toutes les directions.

L’aube commençait à poindre ; des milliers de petites charrettes traînées à bras ou par un mulet, et qui sont le premier signe du réveil de la ville, sillonnaient déjà les rues, allant porter aux marchés leurs provisions de fleurs et de fruits.

Des centaines de nègres, enveloppés dans des couvertures, dont ils ont soin de s’affubler en toutes saisons pour se garantir de la fraîcheur matinale, se dirigeaient vers les différents points du port, où leurs travaux les appelaient. Les rouges lueurs du soleil incendiaient déjà tout le dôme du ciel, ce qui arrive sous ce beau climat bien avant même que l’astre ne soit monté du fond de la mer à l’horizon ; la Havane était en vie, comme on dit dans ces pays.

José, de plus en plus agité, regardait passer charrettes de fruits, mulets et nègres, écoutait tous ces bruits et s’étonnait toujours que son maître n’arrivât point ! Enfin, il entendit dans la rue voisine des cris, et par-dessus ces cris les hennissements et le galop d’un cheval ; et moins d’une minute après, il vit le cheval d’André, bondissant au milieu de cent ou cent cinquante personnes qui essayaient de l’arrêter, se diriger vers la maison devant laquelle il se cabra en montrant ses naseaux couverts de sang caillé, les deux genoux de devant couronnés, ses sangles brisées et ses brides pendantes et en morceaux.

— Dieu du ciel ! s’écria José, en s’élançant à la tête de l’animal, il est arrivé un malheur ou un crime !

Il questionna les nègres ; les seuls renseignements que quelques-uns purent lui donner, c’est que depuis une