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Mais il était évident que M. de Laverdant, non instruit du danger, irait à l’église le lendemain matin, accepterait tout rendez-vous qui lui serait donné et tomberait dans quelque piége abominable. Nous savons que Tobine avait prévu juste. Son idée fixe, une fois enfermée dans la maison du sereno, fut d’en sortir à temps pour prévenir André.

Les recommandations d’Algedro à la femme du sereno avaient été si précises et si sévères, que la mulâtresse avait été immédiatement emprisonnée sous clé.

De toute la nuit, et quelque tentative qu’elle fit pour cela, il lui fut impossible d’entrevoir la possibilité d’une évasion. Mais il lui restait la journée du lendemain tout entière ; et tant que l’heure favorable au rendez-vous ne serait point passée, Tobine conservait l’espoir de rendre à l’homme qu’elle aimait d’un amour si dévoué et si mystérieux ce service de lui sauver la vie. Elle patienta donc, parlementa dès le matin avec la femme du sereno, lui offrit de l’or, lui jura par la sainte Vierge qu’elle ne dévoilerait à qui que ce soit au monde ni le rapt dont elle avait été victime, ni le lieu où on l’avait retenue prisonnière. La geôlière fut sourde aux prières, insensible aux tentations.

À mesure que le jour avançait, les inquiétudes de la pauvre fille augmentaient, et lorsque le soleil commença de descendre sur l’horizon, Tobine se sentit prise de terreurs véritables. Il ne lui restait plus qu’à en appeler aux énergiques résolutions que donne le désespoir. Peu lui importaient les moyens, pourvu qu’elle réussit à s’évader, et à arriver à temps pour empêcher de bien plus grands malheurs que ceux qu’elle méditait.

Le soir venu, Tobine contint sa joie, une joie immodérée pourtant, lorsque la femme du sereno lui apporta de la lumière avec son souper. Dès qu’elle se trouva seule, Tobine approcha sa lumière de la couchette de toile et de