Page:Eyma, Les peaux noires, Lévy, 1857.djvu/269

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Algedro, voyant le bout de papier, allongea une de ses mains et saisit la lettre.

— Infâme, s’écria Tobine.

— Voilà le mot de l’énigme, murmura Isturitz.

Tobine, sentant que tout était perdu, commença d’appeler au secours. Les deux bandits lui serrèrent alors la bouche avec un mouchoir, puis lui lièrent les mains et les jambes avec des cordes. Les cris de la jeune mulâtresse, si vite étouffés qu’ils furent, avaient été entendus néanmoins par deux serenos qui passaient au bout de la rue. Ils accoururent comme des corbeaux qu’attire l’odeur de la proie. Isturitz ne fut pas effrayé de la présence de ces deux défenseurs de l’ordre nocturne :

— N’aie pas peur, dit-il à Algedro, le marquis n’a pas limité nos dépenses.

En arrivant, les deux serenos firent mine tout d’abord de mettre la main sur les bandits ; puis, après avoir regardé avec précaution autour d’eux et aux croisées des maisons dont aucune ne s’ouvrait, l’un d’eux se pencha vers Isturitz, et lui dit tout bas :

— Eh bien ! compère, que fais-tu donc là ?

— Une bonne prise, compère.

— Aurons-nous notre part ?

— La voici, répondit Isturitz en remettant aux serenos une poignée de doublons.

— Merci, répliquèrent ceux-ci ; mais dépêchez, et allez-vous-en séparément.

— Un mot de passe jusqu’aux portes, demanda Algedro, pour celui de nous qui va être obligé de transporter cette mauricaude blanchie jusqu’à la case de la Pedrina, ta bien-aimée femme.

Un des serenos lui parla bas à l’oreille.

— Très-bien ! riposta Algedro en chargeant sur ses épaules Tobine, garrottée et déjà évanouie de peur.