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Le silence d’Antonia, commandé par la pudeur et par la dignité, répondit pour elle.

— Eh bien ! si vous l’aimez, continua Tobine, ne le revoyez plus jamais, M. Daguilla sait tout.

— Ciel ! s’écrièrent en même temps Joséfa et la marquise.

— Et vous n’ignorez pas, reprit Tobine, que le marquis tuerait M. André. Et s’il ne vous a pas surpris ici ce soir, c’est, à moi que vous le devez.

— À toi ?

— Oui, à moi. Vous souvient-il, Madame, d’un jour où, quelque temps après la chute que fit M. de Laverdant en face de l’hôtel, vous le regardiez passer à cheval dans la rue ? Vous avez laissé échapper, en l’apercevant, un cri qui vous a trahie à mon cœur. Le marquis était près de vous ; il vous a entendue aussi, il a surpris également votre émotion, et son front s’est assombri de colère et de soupçons. Depuis ce moment il a épié tous vos pas et tous ceux de nourrice, toutes vos émotions, toutes vos distractions, tous vos soupirs. Je faisais comme lui… Mais le marquis avait à son service deux catalans nommés Isturitz et Algedro. Ils appartiennent à la bande des brigands qui campent dans les bois de San-Marcos. Oh ! je les connais bien, car l’un d’eux m’a offert, une fois, vingt onces d’or pour l’accompagner. Hier, ils ont surpris nourrice arrêtant le seigneur André dans la rue ; et ce matin, pendant que vous étiez à l’église San-Francisco, j’ai vu ces deux hommes entrer dans l’hôtel par le jardin. Je me suis glissée jusqu’à la porte de l’appartement du marquis, et j’ai bien entendu qu’il était question de la rencontre d’hier au soir. Je m’éloignai rapidement pour faire parvenir un avis secret à M. André, qui n’en a pas tenu compte. Le marquis me fit ensuite appeler, et menaça de me faire donner cinquante coups de fouet par le Comman-