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Cette voix était celle d’André.

Le chanteur leva la tête.

— Et vous savez toute la chanson ? continua Laverdant.

— Je la chante bien trente fois par nuit, seigneur. Auriez-vous besoin de mes services pour ce soir ? Je serai à vos ordres dans une heure.

— Inutile ! J’ai seulement besoin de connaître la chanson ; voulez-vous me la dire ?

En parlant ainsi, André avait jeté dans la rue une bourse pleine.

— Bien volontiers, seigneur, répondit Pedro, qui reprit la chanson au troisième couplet :

Elle est si blanche et diaphane,
Qu’en vérité souvent je crains
Que mon rude baiser ne fane
Le satin de ses douces mains.

— Eh bien ! seigneur, qu’en dites-vous ? s’écria Pedro en modulant une ritournelle sur sa guitare.

— Je dis que c’est très-bien !

— Faut-il continuer ?

— Continue, morbleu !

Pedro reprit ainsi :

À ses genoux, quand je m’incline,
Je suis tremblant comme un enfant ;
Esclave de sa voix divine,
Du ciel je rêve en l’écoutant.

Je suis jaloux de tout en elle,
D’un mot, d’un soupir, d’un regard,
Du moindre éclair que sa prunelle
Laisse s’égarer au hasard.

Je me cache quand elle passe,
Tant je suis heureux et troublé ;