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— Votre Excellence veut-elle me suivre ?

— Marche.

Elle traversa deux salons somptueux à la suite l’un de l’autre, puis deux salles à manger contiguës, puis une galerie ouvrant sur un jardin embaumé d’acacias et d’orangers.

André ne fut pas longtemps à comprendre, par la seule disposition des pièces, que la négresse voulait le dérouter. Il savait bien que ni les salles à manger, ni les galeries à jalousie, dans aucune maison de la Havane, n’ouvrent sur la rue où est l’entrée de l’hôtel. En sentant l’air frais et parfumé du jardin, il avait compté que ce serait là un indice pour lui. Mais il fut encore déçu dans son espoir. La négresse tira une petite barrière conduisant à un jardin voisin, traversa ce jardin en diagonale, mena André à une porte cachée dans la muraille, et lui montra la rue éclairée à peine par quelques réverbères qui se balançaient dans l’air.

— Vous voilà sur votre route, Excellence, lui dit la négresse en lui montrant sa gauche ; suivez tout droit et bonne nuit !

— Tiens, voilà pour toi, répondit André en lui glissant dans la main un doublon.

— Merci, seigneur, et Dieu vous garde ! murmura la négresse en faisant la révérence. Et elle ferma la porte.

— Diable ! se dit André en examinant la longue muraille recouverte de branches que les arbres du jardin rejetaient comme un trop-plein de richesse jusque dans la rue, ce n’est évidemment point par cette porte que je suis entré. Je ne me trouvais pas ici au moment de ma chute, mais bien dans la rue de l’Obispo.

Et comme il sentait la fièvre grelotter dans ses membres :

— Demain, dit-il, je viendrai explorer les lieux, et je