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pendant leur sommeil, assistant même à leur repas, car il importait de savoir s’ils avaient tous leurs organes en bon état, s’ils remplissaient toutes leurs fonctions animales, les examinant enfin de la tête aux pieds.

Si au point de vue de la morale et de la dignité humaine l’abolition de cet odieux trafic a été un bienfait ; on peut dire légalement que ça été un grand service rendu à la bourse des colons. Je pourrais citer bien des ruines et bien des ébranlements dans les fortunes coloniales, dus à l’acquisition un peu effrénée de nègres nouveaux (comme on appelait les esclaves provenant de la traite). Il était rare que ces malheureux, une fois transportés sur les habitations, et rendus à la liberté de leurs mouvements, ne fussent pas pris immédiatement de nostalgie ; bon nombre d’entre eux se pendaient dans la nuit qui suivait leur installation au travail, avec la conviction qu’ils s’en retournaient dans leur patrie.

Je sais un propriétaire qui, sur quatre cents nègres nouveaux, achetés un jour, en trouva trois cent quatre-vingt pendus, le lendemain, dans un bois de son habitation. Ces trois cent quatre-vingt suicides lui coûtaient plus d’un demi-million de francs !

Les ventes à l’encan jouissent d’une trop grande faveur aux États-Unis pour que les Américains aient négligé de les pratiquer à l’égard des esclaves. Ce mode, suprême degré de l’humiliation infligée à l’espèce humaine, était depuis longtemps abandonné aux colonies, si ce n’est lorsqu’il s’agissait de très-mauvais sujets, invendables de la main à la main, et dans les cas de vente par jugement et autorité de justice ; mais il fleurit aujourd’hui dans tous les États à esclaves de l’Union. Les personnes étrangères à ces mœurs éprouvent une pénible impression à lire, chaque matin, dans les journaux, des avis de l’espèce de ceux-ci que je copie textuellement :