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Les choses se passaient ainsi aux colonies. Quand on voulait vendre un esclave, on lui donnait sur un petit carré de papier l’autorisation d’aller chercher maître. Ce billet était signé du propriétaire, qui était toujours libre, lui, de le refuser quand un esclave en réclamait la faveur.

La vente des esclaves ainsi pratiquée, se voilait d’une sorte de pudeur qui, malheureusement, n’avait pas toujours existé aux colonies, et qui n’existe point aux États-Unis, par exemple. Aussi est-ce un des spectacles les plus pénibles auquel on puisse assister que la vue des boutiques d’esclaves à la Nouvelle-Orléans.

De véritables boutiques, où des esclaves sont en montre, tout le jour, les uns accroupis ou dormant dans l’intérieur, les autres assis sur des bancs à la porte, le long des trottoirs ; femmes, hommes, enfants, pêle-mêle bien entendu. Les plus forts et les plus jolies à l’extérieur, exposés aux regards et servant d’enseigne ; ceux-ci les membres tout à fait libres, ceux-là une chaîne aux pieds et aux mains, même le carcan de fer au cou, selon le degré de leur docilité et de leur soumission. Le chaland passe, il est tenté, il entre, examine la denrée, marchande, discute le prix, achète, paie, et emmène le sujet. Il y en a dans ces boutiques pour tous les goûts, pour tous les besoins, pour toutes les convoitises, pour toutes les débauches !

Les plus honnêtes gens du monde se font marchands d’esclaves dans ces pays-là, comme ils se feraient épiciers ou confiseurs. Leur considération n’en souffre pas ; c’est une affaire de mœurs. Les choses se pratiquaient de la sorte aux Antilles, au temps de la traite. Une cargaison de nègres arrivait de la côte d’Afrique ; le consignataire en publiait la nouvelle, et chacun allait au magasin de dépôt faire son choix, étudiant ces malheureux jusque