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qu’ils donnent aux divers membres d’une famille. Par exemple les grands parents s’appellent : grande madame ou grand monsieur ; les père et mère : petite madame et monsieur tout court. Quant aux enfants, dès qu’ils sont parvenus à un certain âge, c’est : petite mam’zelle ou petit monsieur.

— C’est Monsieur, continua Manette, qui vient de me donner une volée, et à cause de vous encore ! Mais ce n’est pas tout, ajouta-t-elle, Monsieur va m’envoyer à l’habitation pour travailler à l’atelier.

Et, sans attendre la réponse de sa maîtresse, Manette sortit en secouant la tête d’une façon qui indiquait de sa part quelque résolution énergique et bien arrêtée.

La correction corporelle qu’elle venait de subir irritait moins la jeune cabresse, que son exil à la campagne. Il faut savoir aussi que rien n’est plus humiliant aux yeux d’un esclave de ville que d’être condamné aux travaux de la terre. C’est pour lui une déchéance complète, l’abdication ou plutôt la violation, car il ne prend jamais volontairement ce parti, de toute dignité humaine.

Émue de la situation de Manette, Églantine se leva vivement, et la rappelant :

— Manette, lui cria-t-elle, Manette, viens ici…

— Qu’est-ce que vous me voulez ? demanda la cabresse sur un ton arrogant.

— Te reprocher de n’être pas venue me prier de solliciter ton pardon de mon père ; il ne t’aurait pas battue.

Manette leva insolemment les épaules et sortit sans répondre un mot à Églantine. Seulement, elle fit claquer ses lèvres d’une façon toute particulière aux nègres, et qui est chez eux le symptôme d’une grosse colère. Mais la cabresse revenant tout à coup sur ses pas :

— Voulez-vous bien, dit-elle à sa maîtresse, me donner un billet pour que j’aille chercher un maître ?