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que la liberté. — Cora accepta donc généreusement la mission que lui confiaient les fugitifs. Toutes les nuits, ceux-ci venaient lui apporter leur petite récolte de fruits et de légumes qu’elle vendait à la ville, et elle en versait scrupuleusement le produit entre les mains de Francilia. Cette complicité et cet échange de bons procédés durèrent trois mois environ.

Mais, une nuit, la petite métive arriva tout en larmes et annonça à Cora que Constant avait été arrêté le soir par les gendarmes-bois (ce sont les agents de police, nègres ou gens de couleur libres, qui ont pour mission spéciale de faire la chasse aux esclaves marrons dans les bois). Francilia avait été avertie de cet événement par d’autres nègres qui étaient parvenus à s’échapper. Menacée dans sa propre liberté peut-être, en tout cas privée de son appui naturel, réduite au désespoir, Francilia venait solliciter de Cora deux choses : l’obtention de son pardon de madame Mongenis, la grâce du mulâtre alors enfermé dans la geôle et pour qui se préparait le châtiment des nègres marrons, c’est-à-dire le fouet de la main du bourreau et la condamnation à la chaîne des travaux publics.

Le pardon de Francilia ne fut pas difficile à obtenir ; elle le trouva le lendemain matin dans les caresses que lui prodigua sa maîtresse. Et si l’on ne tua pas le veau gras pour fêter le retour de la fille prodigue sous le toit quasi maternel, c’est que c’était là un luxe que ne pouvait plus se permettre la bonne vieille dame.

Quant à Constant, il était entre les mains de la justice ; il eût fallu une intervention plus influente que celle de madame Mongenis, agissant par l’intermédiaire de Cora, pour lui éviter son châtiment. Francilia en conçut un violent chagrin, et de ses lèvres s’échappèrent des paroles de ressentiment et même des menaces.

Quelques mois s’écoulèrent encore de la sorte. Le mo-