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possible de constater dans les mœurs et dans les habitudes des nègres, en attendant que nous en présentions le plus monstrueux tableau.

Constant, à qui le travail de la terre était devenu insupportable, Francilia qui se trouvait sans doute trop blanche, (comme on dirait ici trop aristocrate), et trop gâtée pour songer à occuper ses dix doigts à autre chose qu’habiller ses poupées, Francilia et Constant n’hésitèrent pas à se tailler sur la portion délaissée de l’habitation, la plus voisine de leur retraite, une part de propriété qu’ils cultivaient parfaitement bien en légumes, en racines du pays et en fruits, aussi paisiblement que si la concession de ce jardin (c’est ainsi qu’on nomme les terres tenues en culture par les nègres) leur eût été faite en bonne règle.

Mais il s’agissait de vendre les produits de ce jardin. Ni Francilia, ni son complice, ne pouvait se rendre en ville sous peine de se faire arrêter et mettre à la geôle, faute de l’autorisation que tout esclave non domicilié chez son maître, ou hors de sa circonscription, devait exhiber à la requête de la police.

Les deux coupables ne trouvèrent rien de plus simple et de plus naturel que d’aller demander cette assistance à Cora elle-même, devenant de la sorte la complice d’un délit qui l’avait remise en esclavage, pour ainsi dire, et dont elle supportait les conséquences et tout le poids. Étrange preuve de cette conspiration permanente de la race noire contre la race blanche, et qui se manifeste aussi bien par une coopération active que par l’absolution du silence.

Cora avait bien essayé d’abord, par ses conseils et par ses admonestations, de persuader Francilia et de la ramener au bercail ; mais Francilia n’avait rien voulu entendre. — Elle avait la liberté, disait-elle ! comme si l’esclavage où elle avait vécu jusqu’alors n’avait pas été plus