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Dans nos Antilles, ces locations d’esclaves ne rapportaient pas au delà de quatre à six cents francs, en moyenne, par an. À la Nouvelle-Orléans, certains esclaves produisent à leur maître jusqu’à deux et trois mille francs par an ; je citerai particulièrement les coiffeuses, qui, joignant à l’exercice de leur profession le métier de messagères d’intrigues et d’amour, sont estimées à un très-haut prix de location, en rapport avec les profits du cumul que je viens de dire.

Voilà donc Constant, le jeune mulâtre, en location comme menuisier. Pendant les deux ou trois premières semaines, il fut exact à rapporter le produit de son travail, lequel était loin de pouvoir suffire à l’existence d’une pauvre sexagénaire et d’une enfant gâtée. Puis, peu à peu, Constant se relâcha de ses bonnes habitudes, en contracta de pernicieuses, et, finalement, ne se donna même plus la peine de se présenter chez sa maîtresse pour renouveler son permis de séjour en ville. Le jeune mulâtre était à l’état de vagabondage, sinon encore de marronnage.

La détresse était grande dans l’intérieur de madame Mongenis ; d’autant plus grande que la situation déplorable de la bonne dame était ignorée de ses amis à qui, depuis la perte de sa fortune, elle avait impitoyablement refusé sa porte. Francilia, devant cette marée montante de la misère, avait pris résolûment son parti ; elle s’était réfugiée près du jeune mulâtre, sans souci de l’ingratitude dont elle payait les bontés et les faiblesses de madame Mongenis, et sans pitié pour la douleur profonde que sa fuite lui causait. La pauvre femme, ainsi abandonnée, fût morte de faim et de chagrin, sans la rencontre que fit Constant d’une ancienne esclave de madame Mongenis, nommée Cora.

Le jeune menuisier, un jour qu’il était nonchalamment