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LES CRÉOLES DES MORNES




On est si accoutumé, aujourd’hui, à la misère dans les colonies, ou plutôt la misère y est si bien un état général, qu’on ne s’étonne plus guère des chutes des anciennes familles opulentes, lesquelles, de leur côté, prennent leur malheur avec une certaine philosophie qui n’existait pas jadis.

Jadis, en effet, — alors que ces catastrophes devenues fréquentes ne frappaient encore qu’isolément, — c’était un cri de douleur sincère dans le public, quand un riche créole tombait du haut de sa fortune, et pour celui-ci une sorte de honte qu’il allait littéralement cacher dans le fond des bois, au haut des mornes, ou dans quelque coin de terre perdu, loin de tout contact avec les populations blanches du pays. C’était comme un ensevelissement où il se condamnait tout vivant. Il fuyait ainsi les consolations de ses amis, et même les secours qui auraient pu le sauver de ce naufrage.