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pompe les nouveaux mariés. Lisa intrigua pour être la première à présenter les paniers de fleurs et de fruits que l’on se proposait d’offrir à la nouvelle madame. C’était, dans sa pensée, une manière de verser quelques gouttes d’absinthe dans la coupe du jeune ménage. Lisa ne s’était pas trompée.

Au milieu de ce bataillon de nègres endimanchés, joyeux, chantant, chargés de branches d’arbres en guise de drapeaux, Lisa, couverte de ses plus beaux bijoux, de ses madras les plus éclatants, apparut comme un spectre et produisit une impression pénible sur la jeune mariée. Quant à M. de Lorgerins, il avait pâli, un peu par pressentiment.

Selon l’usage, la nouvelle madame passa en revue tout l’atelier et distribua à chacun une somme d’argent. Ces largesses, accompagnées d’une permission de bamboula pour le soir, furent accueillies par des cris de joie, des bénédictions et des souhaits de bonheur qui éclatèrent de toutes parts.

Quand madame de Lorgerins était arrivée devant Lisa, celle-ci n’avait pu retenir ses larmes. C’étaient, il faut le dire, des larmes de rage…

Lisa ne connaissait pas la femme qu’avait choisie son maître et ne se l’imaginait pas si belle. En la voyant souriante, heureuse, un infernal projet avait germé dans sa tête. Elle ne voulait plus mourir, ou du moins elle demanda à Dieu de vivre assez de temps pour accomplir sa vengeance.

Huit jours après, madame de Lorgerins commença de sentir les atteintes d’un mal inconnu ; en six semaines elle était morte, victime du poison.

Qui était l’auteur de ce crime dont il n’existait aucune trace apparente ? On pouvait le soupçonner, mais personne n’était en mesure de l’affirmer. Ce fut Lisa elle-