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II


Sa première pensée avait été pour le suicide.

Elle tombait du haut d’un grand rôle, au niveau de l’abjection. C’était une ambition déçue, une autorité brisée. De Lorgerins, absent de l’habitation, ne put assister aux premiers effets du poison sur ce corps qui s’était voué à la mort.

Le désespoir et la rage de Lisa étaient sincères ; il lui importait donc peu que l’on s’aperçût ou non des ravages de la terre sur sa beauté. Ce n’était plus un avertissement qu’elle donnait, elle cherchait un fatal dénoûment. Si elle y apporta la lenteur que nous avons dite, c’était par habitude plutôt que par calcul. Aussi, quand on annonça l’arrivée prochaine de M. de Lorgerins revenant avec sa jeune femme, Lisa eut la pensée d’en finir tout de suite, pour ne point assister à cette dernière insulte faite à son bonheur passé.

Mais tout à coup elle se sentit mordue au cœur par l’orgueil, qui poursuit toutes les victimes, d’étaler leur agonie aux yeux de leurs bourreaux et de leur léguer ce spectacle des tortures endurées comme une expiation et comme un remords.

Lisa arrêta le travail de la mort ; elle se regarda dans un miroir et se fit peur à elle-même, tant la décomposition de son visage était complète. Elle sourit à ce masque hideux, à cette maigreur effrayante, à cette vieillesse qui avaient remplacé sa beauté, ses chairs pleines, sa jeunesse heureuse.

L’atelier tout entier se préparait à recevoir en grande