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l’ai annoncé hautement. Je verrai bien si, grâce à cette mesure, nous sommes au bout de nos afflictions.


VI


Nous avions accepté l’hospitalité que, au milieu même de son malheur, le brave planteur nous avait offerte avec la généreuse cordialité des créoles. Un peu de curiosité m’avait engagé à cette indiscrétion ; je voulais savoir le dénoûment de ce lugubre épisode.

Dès le soir, la femme et la fille de l’habitant rapportèrent, en rentrant, de meilleures nouvelles sur l’état moral des nègres, effet évident de l’avis donné du départ de l’économe. Les plaies se cicatrisaient déjà, l’hôpital se désemplissait, les cases se rouvraient enfin devant leurs hôtes. La cause vraie ou supposée de tant de malheurs, je dis vraie ou supposée de la part des nègres eux-mêmes, avait disparu ; le courage leur revenait. Puis, le lendemain, les quatre enfants du planteur eurent mission, de la part des femmes ou des concubines des marrons, de demander leur grâce, qui fut accordée. Deux jours après, les bras et les cœurs étaient prêts au travail, le calme était rétabli partout sans qu’aucun châtiment soit venu troubler et attrister ce retour à l’ordre.

Ce qui avait frappé le plus mon compagnon de voyage, dans ce drame dont nous n’avions vu que la fin, ce fut, on se le rappelle, l’aisance et l’insouciance de l’habitant à demander et à faire offrir à ses hôtes des verres de sang-gris. Dans sa pensée, il me l’avoua plus tard, il n’était pas possible de commettre plus froidement un suicide. Il me con-