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cœur et surtout outragée de ce que, dans sa superbe de race, elle appelait la dégradation de Firmin. Tout le long de la route, elle avait, par une colère lentement distillée, irrité son cœur quelle sentait indifférent au malheur de Madeleine. Pour elle, ce n’était qu’une mulâtresse qui s’était follement suicidée !

Mais à l’entrée de ce défilé que j’ai décrit tout à l’heure, au moment où la voix de ses nègres s’éteignit et qu’elle se vit au milieu de cette obscurité solennelle que doublaient les approches de la nuit, il lui sembla que le cadavre de Madeleine, qu’elle avait contemplé, lui apparaissait humide et couvert d’herbes ; elle se rappela ces paroles étranges de Firmin, dont elle ne se rendait pas compte, ignorant le fait qu’elles lui dénonçaient : « Madame, c’est votre nièce ! » Elle éprouva une de ces peurs superstitieuses, si communes en ces pays. Elle ne put retenir un cri déchirant, et, se penchant hors du hamac :

— Retournez à la Basse-Pointe, dit-elle à ses nègres.

Madame de Mortagne rejoignit Firmin et Jérémie qui, courbés sur la tombe de Madeleine, dans le petit cimetière du bourg, élevaient à sa pure et chaste mémoire le plus beau des monuments, un monument de larmes et de prières. Elle s’agenouilla silencieusement à leur côté, et prenant le bras de M. de Lansac en sortant du cimetière :

— Firmin, lui dit-elle, vous avez besoin du dévouement d’une sœur pour vous consoler : je vous offre mon amitié…

— Merci, Madame ; l’amitié seule, vous avez raison, pourra me consoler. Madeleine morte, l’amour est mort en moi.