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cuper assurément de la race tartare-mantchoue ; les uns essayaient de grimper sur les buffles et de s’y tenir à califourchon, tandis que les autres harcelaient l’animal pour procurer la culbute du cavalier. Quand nos palanquins arrivaient, tous ces petits tapageurs gardaient un profond silence et prenaient une attitude grave, modeste, mais où il était toujours facile de démêler plus de malice que d’ingénuité ; à peine les palanquins étaient-ils passés, que leur folâtrerie, un instant comprimée, reprenait sa revanche. Après nos tristes aventures sur le fleuve Bleu, et deux journées passées dans une ville encore agitée par le souffle de la discorde, l’aspect toujours ravissant et enchanteur d’une belle campagne nous fit du bien ; la tristesse dont nous étions accablés se dissipa peu à peu, et nous sentîmes que la douceur et la sérénité de l’air passaient eu quelque sorte dans nos pensées.

Ce suave épanouissement de notre âme ne dura guère plus que celui des fleurs des champs. Quel prodige d’énergie et de faiblesse que le cœur de l’homme ! S’il faut peu de chose pour le relever et le fortifier, un souffle aussi est capable de l’abattre. L’aspect de la campagne et la fraîcheur de la matinée avaient suffi pour nous vivifier ; mais, aussitôt que les ardeurs du soleil et la pesanteur de l’atmosphère eurent courbé les plantes et flétri les pétales des fleurs, nous aussi nous tombâmes dans l’affaissement ; à mesure que l’air et la terre s’échauffaient, la brise, qui soufflait le matin, s’affaiblit insensiblement, et, vers midi, elle tomba tout à fait ; alors nous n’eûmes plus, pour ainsi dire, que du feu à respirer. Les Chinois, quoique habitués à ces redouta-