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On nous avait crus perdus. La plupart des jonques qui, la veille, avaient franchi le passage où nous nous étions arrêtés, avaient fait naufrage de l’autre côté du fleuve, au milieu, disait-on, d’une affreuse tempête. Les autres étaient arrivées au port entièrement démantelées ; elles avaient annoncé que nous étions en route ; et, comme nous n’avions pas encore paru, tout le monde était persuadé que notre jonque avait été aussi engloutie dans les flots. Les nombreux malheurs dont on nous raconta les lamentables détails nous firent admirer et bénir la bonté de Dieu à notre égard. C’était bien la Providence qui nous avait repoussés trois fois sur le rivage, pour nous empêcher d’aller nous précipiter au milieu de la tempête. Ce que nous regardions comme une épreuve était une bénédiction de Dieu, un témoignage de sa bonté et de sa miséricorde. Pendant que nous faisions des efforts pour nous résigner à ce que nous appelions un contre-temps, nous eussions bien dû plutôt nous répandre en actions de grâces. Ainsi les hommes se laissent souvent tromper, au milieu des événements de la vie, par de fausses apparences. On les voit souvent s’abandonner inconsidérément aux chagrins et à la tristesse, au lieu de bénir en tout, avec calme et sérénité, l’action paternelle et incessante de la Providence sur eux.

La joie que nous ressentions d’avoir échappé au naufrage d’une manière si providentielle ne fut pas pourtant sans être mélangée de beaucoup d’amertume. Nos deux barques de transport, qui avaient tant excité notre jalousie quand nous les vîmes prendre le devant, étaient perdues. L’une avait été se fracasser sur des récifs qui bordaient le rivage, et l’autre, ayant sombré,