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mettre à table. Il faut bien faire honneur, cependant, aux provisions de cet excellent préfet de Song-tche-hien. À ces paroles bien simples et bien naturelles, puisqu’il était déjà tard et que nous n’avions encore rien pris, nos mandarins furent complétement ahuris. Personne ne disait mot. Quand vous voudrez, ajoutâmes-nous, donnez vos ordres aux domestiques ; il ne faut pas trop retarder, parce que, le vent augmentant toujours, la jonque sera bientôt secouée de telle façon, qu’il nous sera impossible de garder l’équilibre. Maître Ting jeta sur nous un regard de compassion ; il entr’ouvrait la bouche ; mais les paroles ne se hâtaient pas d’en sortir. Nous comprîmes qu’il était arrivé quelque chose de fâcheux, sans pouvoir deviner quoi. Enfin maître Ting, ramassant tout ce qu’il y avait d’énergie dans ses facultés, se hasarda à rompre le silence. Comment allons-nous faire ? s’écria-t-il d’un ton désespéré : nous n’avons pas de vivres. La jonque qui porte les provisions du préfet de Song-tche-hien est bien loin devant nous ; peut-être finirons-nous par l’atteindre. Si vous voulez, en attendant, nous amuser à prendre du thé, cela nous occupera. Le genre de récréation que nous proposait notre ingénieux conducteur était assurément fort honnête ; mais nous savions, par une longue expérience, qu’il n’a rien de bien fortifiant pour l’estomac. S’amuser à boire du thé quand on est affamé, c’est absolument creuser un gouffre au lieu de le combler.

Nous remontâmes sur le pont, un peu désappointés, et nous cherchâmes à découvrir sur l’étendue du fleuve la galère qui emportait notre cuisinier avec les accessoires ; un grand pavillon jaune, placé au haut du mât,