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avec une épouvantable légèreté ; en Chine c’est le faible qui fait trembler le fort et le puissant, en tenant toujours suspendue sur sa tête la menace d’un suicide, et le forçant souvent, par ce moyen, à lui rendre justice, à le ménager, à le secourir. Les pauvres ont quelquefois recours à cette terrible extrémité pour se venger de la dureté des riches ; il n’est pas même rare de voir des gens repousser une injure et un affront en se donnant la mort. Il serait peut-être intéressant de comparer ce duel à la chinoise avec celui qui est en usage chez les nations européennes ; on trouverait à faire des rapprochements curieux, et l’on serait, sans doute, forcé de convenir qu’il y a dans l’un et dans l’autre la même extravagance et la même folie.

Les fonctionnaires d’Ou-chan nous traitèrent avec une remarquable affabilité, et nos causeries se prolongèrent bien avant dans la nuit ; chacun préconisait les mœurs et les usages de son pays : la Mongolie, la Chine et la France firent valoir tour à tour leurs prétentions par l’organe de leurs représentants. Il fut convenu que, chez tous les peuples, il y avait un fond de bonnes et de mauvaises qualités qui se faisaient à peu près équilibre ; toutefois nous cherchâmes à prouver que les nations chrétiennes valaient ou pouvaient valoir mieux que les autres, parce qu’elles étaient toujours sous l’influence d’une religion sainte et divine, qui tend essentiellement à développer les bonnes qualités et à étouffer les mauvaises. Les mandarins trouvèrent nos raisonnements lucides et concluants ; ils proclamèrent donc, sinon par conviction, du moins par politesse, que la France occupait incontestablement le premier rang