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La réconciliation était déjà complète, lorsqu’on introduisit un vieillard à barbe blanche et deux jeunes gens : c’étaient le père et les enfants de ce bourgeois devenu notre ami d’une manière si singulière. Ils se précipitèrent aussitôt à genoux pour nous témoigner leur reconnaissance de ce qu’ils avaient l’ingénuité d’appeler un bienfait. Ils fondaient en larmes et ne savaient plus de quelles expressions se servir pour nous exprimer leurs sentiments. Cette scène fut pour nous si émouvante, que nous ne pûmes y tenir davantage. Nous savions bien que nous avions affaire à des Chinois, c’est-à-dire à des hommes dont on a toujours le droit de suspecter la sincérité ; cependant c’est toujours une chose qui fait horriblement souffrir que d’entendre sangloter un vieillard et de voir couler ses larmes. Nous nous levâmes donc et nous souhaitâmes la paix à ces braves gens, pour lesquels notre passage dans leur pays avait été une source d’émotions si vives et si pénibles.

Nous quittâmes Fou-ki-hien avec un certain sentiment de regret, car il n’en était pas de cette ville comme de tant d’autres qui ne pouvaient nous laisser aucun souvenir profond et que nous traversions avec une complète indifférence, à peu près comme nous abandonnions dans le désert nos campements éphémères. Nous n’avions passé à Fou-ki-hien que la moitié d’une journée ; mais nous y avions éprouvé des sensations si fortes et si diverses, qu’il nous semblait y avoir fait un long séjour. Le temple des compositions littéraires, cette tour du haut de laquelle nous dominions la ville et la campagne, l’échauffourée de l’intrépide docteur, ce pauvre bourgeois écrasé sous une cangue, sa déli-