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Depuis que nous l’avions cassé de ses fonctions, en terminant la séance judiciaire, nous ne le revîmes plus, et personne ne nous en parla. Seulement, au moment du départ, le préfet nous avertit qu’il avait été remplacé par un jeune mandarin militaire qu’il nous présenta, et qui, bien loin de se mettre dans le cas de se faire juger, fut toujours, à notre égard, plein de prévenance et d’amabilité.

Une des choses qui nous ont le plus frappés, dans la province du Sse-tchouen, et qui, à nos yeux, est peut-être plus étonnante que le jugement dont nous venons de parler, c’est la conduite des chrétiennes de Leang-chan. Que des femmes se réunissent paisiblement dans une rue, pour voir passer deux personnages réputés curieux et extraordinaires, sous prétexte qu’ils sont nés en Europe et qu’ils ont parcouru la Tartarie, le Thibet et la Chine, il n’y a là rien que de fort naturel. Si ces femmes sont chrétiennes, qu’elles fassent le signe de la croix et se mettent à genoux pour demander la bénédiction à un ministre de la religion, tout cela est très-simple, du moins en Europe ; mais, en Chine, c’est prodigieux ; c’est heurter de front tous les usages, c’est aller contre les idées et les principes admis de tout le monde. Un semblable préjugé vient du lamentable état d’oppression et d’esclavage auquel ont toujours été réduites les femmes chez les peuples dont les sentiments n’ont pas été régénérés et ennoblis par le christianisme.

La condition de la femme chinoise fait pitié ; les souffrances, les privations, le mépris, toutes les misères et toutes les abjections la saisissent au berceau et