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rendre à ses affaires, nous fîmes au préfet de la ville et à son état-major une belle révérence ; et nous allâmes nous promener dans un petit jardin solitaire qui se trouvait derrière notre chambre.

Quelques minutes après, tous les curieux que l’aventure des fruits secs avait attirés au palais communal ayant disparu, on vint nous avertir que le vin chaud était sur la table. En entrant dans la salle où était servi le souper, nous remarquâmes que le mandarin de Tchoung-king était à son poste parmi nos commensaux ordinaires. Nous lui fîmes signe de sortir, en lui déclarant que, désormais, il nous était impossible de prendre nos repas avec lui. Il s’avisa d’abord de trouver la chose un peu plaisante ; mais notre attitude ne tarda pas à lui faire comprendre que nous parlions très-sérieusement ; et ses collègues l’ayant engagé à s’exécuter, il sortit d’assez mauvaise grâce, et s’en alla manger son riz ailleurs.

Notre souper, comme on peut aisément se l’imaginer, ne fut pas d’une gaieté bien folle. On piquait dans les plats à droite et à gauche, machinalement et en silence. Les bâtonnets saisissaient et laissaient retomber souvent le même morceau avant de l’emporter. On avalait, par manière de distraction, de nombreux petits verres de vin chaud ; on se regardait du coin de l’œil, et sans rien dire ; chacun pensait au fameux jugement. Il nous semblait parfois que nous nous étions avancés peut-être avec trop de hardiesse, et, s’il se fût trouvé à Leang-chan un préfet d’un caractère tant soit peu énergique, il eût été prudent de songer à faire une retraite honorable ; mais nous avions affaire à un homme peureux,