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que l’entrée ne serait refusée à personne. Nous allâmes nous-mêmes donner la consigne au concierge, et la nouvelle s’étant répandue avec rapidité dans toute la chrétienté, les visites nous arrivèrent bientôt par nombreux détachements. Comment exprimer les ineffables jouissances que nous goûtâmes dans ces réunions ? Ces hommes nous étaient tous inconnus, mais ils étaient pour nous des amis et des frères. Nous sentions qu’un courant de fraternité, une sorte de magnétisme chrétien, passait d’eux à nous et de nous à eux. Nous nous aimions sans nous être jamais vus, parce que nous avions une même foi et une même espérance. Depuis si longtemps nous étions errants parmi des peuples indifférents ou ennemis que la sympathie dont nous étions entourés, bien qu’elle fût un peu chinoise, dilatait nos cœurs et les remplissait de douces émotions. Il nous semblait, en nous entretenant avec des chrétiens, que nous étions seulement à un pas de la France. Les mandarins étaient tout surpris de ces intimités spontanées et de ces relations qui semblaient dater de fort loin. Ils en paraissaient inquiets, préoccupés, et on voyait qu’ils étaient obligés de faire des efforts pour ne pas manifester ouvertement leur mauvaise humeur. Un accident de nulle importance, une bagatelle, vint faire éclater leur colère et faillit donner naissance à une grosse affaire.

Avant la tombée de la nuit, nous récitions notre bréviaire en nous promenant dans une allée de la cour intérieure, pendant que nos trois mandarins de l’escorte, assis sous un grand laurier-rose, fumaient leur longue pipe et savouraient la délicieuse fraîcheur du soir. Notre domestique traversa la cour avec un petit paquet et une