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craignent le péril et le fuient ; s’ils me voyaient arriver, aucun ne paraîtrait. Quand je me promène dans mon parterre, je cueille les plantes médicinales que je veux garder. Si une fleur me plaît, je la prends et la flaire ; si une autre souffre de la soif, je l’arrose, et les voisines en profitent. Combien de fois des fruits bien mûrs m’ont-ils rendu l’appétit que la vue des mets m’avait ôté. Mes grenades et mes pêches ne sont pas meilleures, pour être cueillies de ma main ; mais je leur trouve plus de goût, et mes amis, à qui j’en envoie, en sont toujours flattés. Vois-je un jeune bambou que je veux laisser croître, je le taille, ou je courbe ses branches et les entrelace pour dégager le chemin. Le bord de l’eau, le fond d’un bois, la pointe d’un rocher, tout m’est égal pour m’asseoir. J’entre dans un cabinet pour voir une cigogne faire la guerre aux poissons, et à peine y suis-je entré que, oubliant le dessein qui m’amène, je prends mon kin[1] et je provoque les oiseaux d’alentour.

« Les derniers rayons du soleil me surprennent quelquefois considérant, en silence, les tendres inquiétudes d’une hirondelle pour ses petits, ou les ruses d’un milan pour enlever sa proie. La lune est déjà levée que je suis encore assis ; c’est un plaisir de plus. Le murmure des eaux, le bruit des feuilles qu’agite le vent, la beauté des cieux, me plongent dans une douce rêverie ; toute la nature parle à mon âme, je m’égare en l’écoutant, et la nuit est déjà au milieu de sa course que j’arrive à peine sur le seuil de ma porte.

  1. Sorte de violon chinois.