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superbe. Maître Ting était tout bondissant de colère ; il poussait des clameurs comme si on lui eût arraché les entrailles. — Calme-toi, lui dîmes-nous, et donne de bonne grâce au marchand le prix de ces palanquins, sans quoi nous allons sur-le-champ écrire au vice-roi que tu nous as fait voyager sur le fleuve Bleu… Cette menace eut un effet magique, et notre conducteur se mit à compter tristement l’argent qu’on attendait. La nuit était sur le point de se faire, il ne fut pas même question de partir. Les mandarins de Kien-tcheou se divertirent beaucoup de la mésaventure de maître Ting, ils ne se doutaient pas que leur tour allait bientôt arriver.

Le lendemain, aussitôt qu’il fut grand jour, maître Ting vint nous demander fort modestement si on pouvait convoquer les porteurs de palanquin, et, en même temps, il nous remit quelques billets de visite, par lesquels les principaux mandarins de la ville nous souhaitaient un bon voyage. Nous répondîmes à maître Ting qu’il pouvait envoyer chercher les porteurs, parce que nous avions l’intention de quitter l’hôtel des Désirs accomplis, pour aller loger au palais communal et y passer la journée. Notre conducteur, qui n’était pas encore bien remis de la forte secousse de la veille, ne parut pas comprendre. Il nous regardait d’un air si étonné, que nous fûmes obligés de répéter, en appuyant un peu sur chaque mot… Dès qu’il fut bien sûr d’avoir saisi notre pensée, il sortit. A l’instant l’alarme fut donnée à tous les tribunaux, et les mandarins accoururent à la file les uns des autres, pour s’assurer par eux-mêmes du fait inconcevable qu’on venait de leur raconter.

C’était le préfet de la ville que nous voulions voir.