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tête ; on le presse de toutes parts ; le prestige de son omnipotence et de sa force ne tarde pas à s’évanouir, et ce peuple, ordinairement si respectueux et si soumis à l’égard de ses chefs, se laisse emporter aux excès les plus violents. Les palanquins sont mis en lambeaux, les gens de l’escorte prennent la fuite, et le pauvre mandarin, s’il peut sortir vivant de cet orage populaire, doit renoncer désormais aux fonctions publiques.

Le vice-roi Pao-hing, en déterminant les règles qu’on aurait à suivre durant notre voyage, avait ordonné qu’on nous fît rendre, le long de la route, les honneurs qui sont dus aux fonctionnaires de premier rang. A peine fûmes-nous partis, qu’il nous fut facile de nous apercevoir qu’on tenait énergiquement la main à l’exécution de ce qui avait été prescrit. Il nous en coûta beaucoup pour nous accoutumer à une telle manière de voyager. Ces allures de petits tyrans qui nous étaient imposées, ce peuple immobile et silencieux sur notre passage, tout cela froissait nos sentiments les plus intimes et nous faisait rougir de honte ; nous souffrions surtout et nous entendions au fond de notre conscience comme les accents du remords, lorsque la brutalité de quelque satellite se déchaînait contre les voyageurs qui ne montraient pas assez d’empressement pour se décoiffer ou descendre de cheval. Cependant, malgré toutes nos répugnances, il nous fallut subir ces honneurs un peu sauvages, et que les habitants du Céleste Empire n’ont jamais eu l’habitude de prodiguer aux étrangers. Tout ce que nous pûmes faire, ce fut de prier le mandarin civil de recommander de notre part à ceux qui ouvraient la marche de ne pas maltraiter les voyageurs oublieux de l’obser-