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ne comptant pour rien les intérêts religieux, comment comprendrait-il qu’on peut venir de si loin endurer tant de souffrances et de privations dans le but unique d’enseigner gratuitement à des inconnus des formules de prière et le moyen de sauver leur âme ? A ses yeux la chose serait trop ridicule ; un pareil désintéressement, il le regarde comme une niaiserie si grande et une si prodigieuse extravagance, que personne, pas même un Européen, n’en peut être capable. Les Chinois sont donc bien convaincus que, sous prétexte de religion, on machine un envahissement de l’empire et un renversement de la dynastie ; du reste, il faut convenir qu’ils ont sous les yeux des faits peu propres à les tirer de cette persuasion. Quoique très-attentifs à s’entourer de barrières, et à ne pas permettre aux étrangers de porter des regards indiscrets sur ce qui se passe chez eux, ils aiment assez à se tenir au courant des affaires de leurs voisins ; et que voient-ils autour d’eux ? les Européens maîtres partout où ils ont pénétré, et les naturels soumis à une domination souvent très-peu conforme aux lois de l’Évangile, de cette religion qu’on cherche tant à propager chez eux. Ainsi ils peuvent voir les Espagnols aux îles Philippines, les Hollandais à Java et à Sumatra, les Portugais à leur porte et les Anglais partout. Il n’y a peut-être que les Français dont ils n’aperçoivent pas les possessions, et ils seraient assez malins pour se figurer que nous cherchons à nous installer quelque part.

Ces idées, nous ne les prêtons pas gratuitement aux Chinois ; ils les ont réellement, et elles ne datent pas d’aujourd’hui. En 1724, lorsque l’empereur Young-tching, successeur de Khang-hi, proscrivit la religion