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exercé de grands emplois dans la magistrature ; pour lui, il n’avait pu se pousser qu’à une simple justice de paix, et encore depuis quelques années seulement. Il se gardait bien de mettre ces retards sur le compte de son peu de succès dans les examens littéraires ; il aimait mieux se conformer aux usages reçus dans le monde entier et accuser l’injustice des hommes et surtout sa mauvaise étoile, qui se plaisait à l’éloigner de la fortune et des honneurs. A l’entendre, son nom le résumait tout entier. Dans toute la force du terme il était un véritable Pao-ngan, ou Trésor caché.

Quoique un peu trop enclin aux lamentations, Pao-ngan était, en somme, un assez bon vivant, se donnant peu de soucis et prenant tout à son aise les vicissitudes et les épreuves de ce bas monde. Il était devenu fonctionnaire un peu tard et sur le déclin de l’âge ; mais nous devons lui rendre cette justice qu’il cherchait, par tous les moyens imaginables, à réparer le temps perdu. Il aimait passionnément les procès et il les bâclait avec une merveilleuse habileté. Deux ou trois espèces de greffiers qu’il avait à son service étaient journellement occupés à fureter les coins et recoins de la ville pour ramasser toutes les petites affaires de sa compétence et les lui apporter. Sa bonne humeur augmentait toujours avec le nombre des procès. Un tel empressement à remplir des fonctions souvent pénibles et ennuyeuses ne pouvait que nous édifier beaucoup, et nous nous trouvions tout charitablement disposés à admirer chez Pao-ngan ce grand amour de la paix et de la justice. Mais il eut soin de nous avertir lui-même qu’il avait besoin d’argent, et qu’un procès bien conduit était la