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tout absolu qu’il soit, n’est pas, pour cela nécessairement tyrannique. S’il l’était de sa nature, il y a probablement longtemps qu’il n’existerait plus ; car on ne conçoit pas qu’on puisse conduire arbitrairement et despotiquement, pendant des siècles, trois cents millions d’hommes, pour si apathiques et si abrutis qu’on les suppose, et les Chinois ne sont ni l’un ni l’autre. Pour maintenir dans l’ordre ces masses effrayantes, il ne fallait rien moins que cette puissante centralisation inventée par le premier fondateur de la monarchie chinoise, et que les nombreuses révolutions dont elle a été agitée n’ont fait que modifier sans en changer les bases. A l’abri de ces institutions fortes, vigoureuses, et, on peut le dire, savamment combinées, les Chinois ont pu vivre en paix et trouver une manière d’être tolérable, une sorte de bonheur relatif qui est, quoi qu’on en dise, le seul état auquel les hommes puissent raisonnablement prétendre sur cette terre. Les annales de la Chine ressemblent aux histoires de tous les peuples ; c’est un mélange de biens et de maux, un long enchaînement d’époques tantôt paisibles et heureuses, tantôt agitées et misérables. Les gouvernements ne deviendront parfaits que le jour où les hommes seront sans défauts.

On ne peut, toutefois, se le dissimuler, les Chinois sont aujourd’hui à une de ces périodes où le mal l’emporte de beaucoup sur le bien. La moralité, les arts, l’industrie, tout va en déclinant chez eux ; et le malaise et la misère ont fait de rapides progrès. Nous avons vu la corruption la plus hideuse s’infiltrer partout ; les magistrats vendre la justice au plus offrant, et les mandarins de tout degré, au lieu de protéger les peuples,