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sonne ne fit plus attention à ce bonze, qui n’était, aux yeux de tout le monde, qu’un fou ou un grand original. Un jour on s’aperçut qu’il n’avait pas paru, et, vers midi, le feu se déclara tout d’un coup sur plusieurs points de la ville à la fois, et avec une telle violence, que tous les habitants n’eurent le temps que d’emporter ce qu’ils avaient de plus précieux et de se sauver en toute hâte dans les champs. Avant la fin de la journée la ville tout entière n’était qu’un immense amas de cendres et de ruines fumantes. Tout le monde se souvint alors des paroles du bonze, qui étaient, en réalité, une prédiction énigmatique de cette effroyable catastrophe. Il serait impossible de comprendre cette espèce de rébus sans avoir une idée de la configuration des deux caractères chinois qui en donnent la clef. Le caractère suivant, , signifie homme. En y ajoutant deux points ou deux yeux, on obtient un autre caractère, , qui veut dire feu. Ainsi, en criant : Un homme et deux yeux, le bonze entendait annoncer le feu qui réduisit la capitale en cendres. Le juge de paix, qui nous raconta fort sérieusement cette anecdote, ne sut y trouver aucune explication ; nous nous garderons donc bien de vouloir nous-même y en chercher. La ville fut rebâtie à neuf, et voilà pourquoi, ajouta le juge de paix, vous la trouvez si belle et si régulière.

Les habitants de Tching-tou-fou sont parfaitement à la hauteur de la célébrité de leur ville. La classe supérieure, qui est très-nombreuse, se fait remarquer par une grande élégance dans les manières et dans les vêtements. La classe moyenne rivalise avec la première de politesse et de courtoisie, et paraît vivre dans l’aisance.