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— Merci, dit en riant le notaire, le petit me suffira.

M. Boyssier était un grand collectionneur de ces objets en silex, couteaux, flèches, haches, etc., que M. de La Ralphie appelait irrévérencieusement des cailloux. Lorsqu’on le mettait sur ce chapitre, il était discoureur et verbeux. Il entama une dissertation sur l’âge de pierre et s’échauffa tellement que M. de La Ralphie lui offrit charitablement un rafraîchissement, et, à cet effet, frappa encore à la cloison.

La vieille demoiselle vint, et lorsqu’elle ouït cette demande d’un verre d’eau sucrée à la fleur d’oranger pour M. Boyssier, elle parut étonnée, car les habitués, gens rangés et sobres, particulièrement le notaire, ne prenaient jamais rien. Ce soir, elle avait déjà servi une demi-tasse, un verre de liqueur et voici qu’on lui demandait encore un verre d’eau sucrée ! Cela ne s’était jamais vu en temps ordinaire. M. Laugerie, l’ancien capitaine de dragons, seul, faisait une sérieuse consommation de liqueurs fortes et de cruchons de bière.

Lorsque, selon l’antique usage local, sonna le couvre-feu à la cloche municipale, M. de Brossac, qui sommeillait dans un coin, se réveilla en sursaut.

— Diable ! déjà neuf heures ! Allons, bonsoir, Messieurs !

Et il partit, après avoir mis son manteau et allumé sa lanterne.

M. Boyssier le suivit de près, puis les autres abonnés, successivement, leur partie achevée. Enfin, sur les neuf heures trois quarts, M. de La Ralphie s’en alla, en compagnie du Commandeur, qui le remit à sa porte.

— Venez donc déjeuner avec moi demain… vers dix heures… hein ! Lussac ?

— Volontiers ! répondit celui-ci, qui ne déclinait jamais une invitation de ce genre.