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commandeur, retenu à Fontagnac par la goutte, ne bougeait plus de la maison de la rue de la Barbecane, où cette nouvelle attaque l’avait surpris. Une vieille servante le soignait, surveillée par Valérie, qui, presque chaque jour, venait voir son vieil ami.

— Sans vous, ma chère, lui disait-il un jour, je serais à l’hôpital. C’est un lieu comme un autre, et je m’y serais fait, ajoutait-il avec sa légèreté philosophique ; pourtant, je vous avoue que j’aime mieux finir sous le vieux toit des La Ralphie,

Ils causaient un peu de tout, durant ces visites ; et, quoique Valérie ne fût pas très expansive de sa nature, elle laissait parfois entrevoir à son confident le vide qu’avait laissé dans son existence la mort de son amant.

Lui la comprenait bien.

— Le temps, ma chère enfant, lui dit-il peu avant sa mort, le temps guérit toutes les douleurs, comble tous les vides. Vous êtes trop jeune, trop complètement femme, et d’une nature trop puissante pour vous éterniser dans les regrets. Un jour viendra où l’apaisement se fera dans votre cœur, et, ce jour-là, vous serez reprise du besoin d’aimer.

Elle ne protesta pas, sentant qu’il disait vrai.

— Ce jour-là, poursuivit-il, que deviendrez-vous ici ? Il n’y a pas dans tout ce pays un seul homme digne de baiser vos ongles roses. Sous peine de n’être qu’un grossier commerce, indigne d’une femme telle que vous, l’amour veut être relevé par les qualités aimables ou graves, sérieuses ou légères de l’homme aimé. La vulgarité de l’un déteint sur l’autre presque toujours, ou bien le dégoûte… Si vous m’en croyez, vous partirez, au moins pour quelque temps. Voyager, sortez de ce cercle étroit où vous ne pouvez être appréciée à votre valeur. Peut-être rencontrerez-vous sur