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de la cheminée, tant elle était basse. Dans un coin un vieux châlit piqué des vers, avec une paillasse bourrée de paille d’avoine et un méchant couvre-pieds tout rapetassé. Sous la table, une oulle pour les châtaignes, et une petite marmite de fonte où la vieille faisait rarement de la soupe. La table était faite avec des planches clouées sur des piquets. Dessus, deux ou trois assiettes, une soupière ébréchée en terre brune, une cuiller de fer et une cruche à l’eau, petite, car la vieille n’était pas forte, et la fontaine était loin. Et puis, avec un petit pilo de bois mort dans un coin, c’était tout. Quand on levait la tête on voyait le toit de balais. Sous la porte on aurait passé la main. Dans les nuits d’hiver, les loups qui hurlaient par les bois et trottaient sur les chemins, venaient fourrer leur nez sous la porte et reniflaient en grognant.

C’est là que vivait la vieille Jeannillotte, au grand regret de la demoiselle qui avait toujours peur qu’il ne lui arrivât malheur, de façon ou d’autre. Elle avait bien voulu la faire entrer à l’hospice d’Excideuil, mais la vieille ne voulait pas entendre parler de ça, ni même de venir demeurer dans le bourg.

Les gens de par chez nous la croyaient sorcière, et pas un n’eût voulu la rencontrer le matin en allant à la foire, sûrs que, s’ils achetaient une paire de veaux, ils se seraient écornés, ou, s’ils ramenaient des brebis, elles auraient eu le tournis. Et ce n’était pas seulement les paysans qui la fuyaient. Quand M. Silain, le père de la demoiselle, allait à la chasse et qu’il l’apercevait sur la porte de sa cabane, ou dans les châtaigniers, cherchant du bois mort ou des châtaignes, il désarmait son fusil, cornait ses chiens et s’en retournait à Puygolfier, où il ne faisait pas bon autour de lui ce jour-là.

Mais la demoiselle Ponsie n’avait peur de rien elle, et nous fîmes notre entrée chez la vieille après