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— Mon petit, c’est que le père de mon arrière-grand-père, qui vint comme garçon au Frau, il y a une centaine d’années, était de Brantôme, et s’appelait Sicaire, comme de juste ; car il faut que tu saches qu’à Brantôme ils s’appellent tous Sicaire, en l’honneur de leur saint, comme à Jumilhac, ils s’appellent tous Aubin ; en Limousin, tous Léonard ou Martial : et du côté de Marseille, tous Marius, principalement les perruquiers. Il y a comme ça des pays où tous les enfants sont nommés de même au baptême. J’ai ouï dire à mon grand-père, qui le tenait de Roux-Fazillac, que tous les députés du département de la Haute-Saône, à la Convention, s’appelaient Claude, de leur petit nom. Mais pour en revenir à nous autres, tu sais que c’est la coutume du pays, que les grands-pères soient parrains de leurs petits-enfants. Le père de mon arrière-grand-père donc, qui s’était marié avec la fille du meunier du Frau, nomma ses petits-enfants tous du nom de Sicaire. Lorsque son fils, qui s’appelait Hélie, en eut à son tour, il leur donna son nom. Et ça s’est toujours continué ainsi : une nichée de Sicaires, et une nichée d’Hélies. Ça n’est pas toujours aisé de s’y reconnaître avec cette mode, mais on appelle communément l’aîné du nom de la famille. Ainsi, on appelait notre aîné à tous, qui est mort il y a six ans : Nogaret ; ton père, on l’appelait Sicaire, et moi, le plus jeune, on m’avait fait un petit nom avec notre nom : on m’appelait Rétou.

Nous laissâmes, sur ces propos, Chardeuil à notre gauche, et au bout d’un petit moment nous voici à Coulaures. De passer là, sans s’arrêter, il n’y fallait pas penser. D’ailleurs mon oncle avait besoin de tabac. Il descendit et entra dans le bureau, qui était chez un épicier, qui tuait des cochons l’hiver et faisait auberge. Les rouliers s’arrêtaient là, et les postillons, pour boire un coup, en sorte qu’il y avait tou-