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tions, ces respects, ces profonds respects, et le reste !

Lorsque j’entends, ou que je lis dans le journal, toutes ces cagnardises et toutes ces rubriques plates comme des punaises, et puantes comme elles, il me semble qu’on me passe un chat dans l’échine en le tirant par la queue. Hé foutre ! ça me fait jurer. Pas tant de fadaises verbales, qu’on en revienne plutôt à la simplicité fière de nos anciens de la Révolution, qui disaient : tu, citoyen, et : salut et fraternité !

Et puis, si toutes ces platusseries n’étaient qu’en paroles seulement !

Il y a encore quelque chose qui me dérange bien. Les Français sont tous égaux, c’est entendu, aussi chacun cherche à se hausser au-dessus des autres. Jamais, au grand jamais, on n’a vu tant de gens décorés qu’au jour d’aujourd’hui. Ceux qui n’ont pas la chance d’accrocher la croix d’honneur française se jettent sur ces croix étrangères, dont on tient boutique. Et puis, pour faire prendre patience à ceux qui demandent le ruban rouge, on a inventé des petites affaires, qui se mettent à la boutonnière, avec un ruban couleur d’évêque. Je ne sais pas ce que c’est, ni ne tiens à le savoir ; c’est assez que ce soit un moyen de se distinguer des autres citoyens. Mais il y a autre chose encore. Depuis quelques années on fabrique des chevaliers du Mérite Agricole. Moi je ne suis qu’un coyon de meunier, mais cette chevalerie du labourage me fait crever de rire. Franchement, on aurait pu épargner ce petit ridicule à l’état de cultivateur qui est le premier de tous.

Je ne parle pas de la manière dont les croix et le reste sont distribués, ça porterait trop loin. J’en sais des décorations qui sont bien placées, mais le diable me crâme, il y en a trop qui me feraient dire comme le défunt Barrière, un vieux retraité du premier