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pour la Mïette, avec des affaires de cuisine, de la vaisselle et du linge. Elle nous priait, la pauvre, encore que tous ses meubles fussent bien vieux et sans valeur, de les garder après elle, afin qu’ils ne fussent pas vendus à un encan, où les étrangers se moqueraient de ses misères…

En revenant de l’enterrement, la grande Mïette me toucha le bras :

— Écoutez, Nogaret, il faut que je vous dise quelque chose. Me voilà toute seule à cette heure, ne sachant où aller. J’ai bien à toucher de votre gendre les deux mille cinq cents francs que m’a donnés la pauvre demoiselle, et je pourrais affermer une chambre et vivre en filant ma quenouille ; mais moi, voyez-vous, il me faut quelqu’un à qui je puisse m’attacher, des gens que je puisse affectionner, je ne peux pas vivre sans ça, et j’ai pensé à vous autres. Puisque vous ne gardez pas cette chambrière que vous avez, prenez-moi, vous me rendrez service ; voyez, je suis à cette heure comme un pauvre chien qui a perdu son maître !

Je la regardai : c’était bien une laide créature, ayant dans les cinquante ans déjà, grande et forte comme un homme, et taillée à coups de hache, figure et tout. Mais dans ses yeux bruns qui priaient comme ses paroles, on voyait qu’elle avait du cœur.

— Je le veux bien, ma pauvre Mïette, lui dis-je ; la Margotille s’en va à la fin du mois, son année finie ; tu n’as qu’à venir à ce moment : Jusque-là, tu garderas là-haut. Quant à ce qui est de tes loyers, tu t’entendras avec ma femme, ces affaires ne me regardent pas.

— Pour ça nous nous entendrons toujours, n’ayez crainte : merci bien, Nogaret.

Et à la fin du mois elle vint comme il était convenu et mon gendre entra en possession de Puygolfier.

Pour dire la vérité, je n’avais pas vu avec beaucoup