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Le soir après souper, comme nous trinquions avec de l’eau de noix, en causant gaiement, tout d’un coup, mon oncle dit :

— Hé bien, Gustou, que penses-tu de cet accord ?

— La Nancette fait bien, dit Gustou, mais le monsieur fait mieux !

Tout le monde se mit à rire, et le plus content fut notre futur gendre, de voir ainsi priser haut sa prétendue.

Nous étions pour lors approchant du carnaval, et de cette affaire, Fournier le fit au Frau. Nous avions pris des lapins à la Fayardie ; mais Hélie et Bernard s’étaient mis dans la tête qu’il fallait un lièvre aussi, et deux matins de suite ils allèrent le chercher avec la Finette. Le premier jour Bernard manqua le poste, mais le second jour Hélie cueillit le lièvre. Cette Finette, bien entendu, n’était pas la même qu’il y avait trente ans, mais c’était toujours une qui venait de sa race, et c’était toujours une Finette ; nous ne sommes pas changeants dans notre famille.

On ne travaille pas chez nous dans les jours de carnaval ; on ne pense qu’à se réjouir à table, à deviser, et à se promener entre les repas. C’est des jours sacrés, personne ne vient vous ennuyer d’affaires, chacun est chez soi en famille, et tout le monde chôme. Il y en a qui nous prennent, nous autres Périgordins, pour des gourmands parce que nous festoyons largement en temps de carnaval, mais ce sont des coyons qui ne comprennent rien à nos usages. Le carnaval, c’est la fête de la famille ; c’est le moment où les enfants dispersés çà et là, par les nécessités de la vie, reviennent à la maison paternelle ; ceux qui sont mariés, viennent avec leur femme et leurs petits droles, et les vieux sont tout contents et tout ragaillardis de voir cette jeunesse qui leur rappelle la leur. Il n’y a qu’à voir les voi-