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qui vont jusqu’à la Loue. Une fois là, le jeune Lacaud, me dit :

— Écoutez, voici un an que j’aime votre fille ; je ne lui ai parlé qu’une fois sur le chemin de Puygolfier, mais rien qu’en la voyant aussi jolie que sage, avec son air de bonté et de raison, j’ai compris que je n’aimerais jamais qu’elle, et je vous la demande en mariage.

Quoique sachant ce que je savais, je fus bien étonné de la demande, mais je n’en fis rien paraître, et je répondis tranquillement à ce garçon, que ma fille n’était pas riche assez pour lui ; mais là, il me coupa la parole pour dire :

— Ça, ce n’est rien.

— Mais ça n’est pas tout, lui dis-je : avez-vous parlé de ceci à votre père ?

— Non, j’ai voulu savoir auparavant ce que vous me diriez.

— Eh bien, si vous en aviez parlé à votre père, vous lui auriez peut-être fait avoir une attaque. Dans tous les cas, il vous aurait dit qu’une fille de chez les Nogaret n’était pas faite pour son fils, et il vous aurait dit encore qu’entre les deux familles il y avait des choses qui ne se pardonnent pas. Vous savez, bien sûr, en gros, que nous ne sommes pas amis, mais peut-être vous ne savez pas tout. Il faut donc que je vous dise que dans le temps, mon oncle Sicaire et votre tante Aglaé s’aimaient, comme vous me dites que vous aimez ma fille. Votre arrière-grand-père, qui était un ancien faure de village, était un grand ami du mien, et il trouvait qu’il n’y avait rien de mieux à faire que de les marier. Mais lorsqu’il parla de ça à son fils, votre grand-père, qui lors était maître de forges au Sablou, celui-ce se mit en colère, et dit que sa fille n’était pas faite pour être meunière. Puis, à quelque temps de là, il la maria à un vieux noble ruiné de toutes les manières.